C'est absurde!


Après avoir combattu avec courage,
pendant des heures
qui semblaient
ne vouloir jamais finir,
un soldat se retrouve,
épuisé et vulnérable,
au milieu d'un vaste champ.

La mort rode partout autour de lui...
Avec la folie des hommes
comme compagne...

Et là, réfugiée dans les herbes folles,
une toute petite fleur bleue,
belle et délicate
comme une petite Elfe,
semble l'attendre depuis toujours!

De l'autre côté du pré,
l'ennemi attend lui aussi...
Fatigué et anxieux, lui aussi...
Il guette, tapi dans les broussailles...
Attendant sa chance
pour le malheur de son frère ennemi...

Le soldat rampe vers Petite Fleur Bleue,
dans ce silence qui plane sur la campagne,
comme un aigle
au-dessus de sa proie.

Il est tout près.
Il peut sentir maintenant
le subtil parfum de la petite fleur.
Il peut même l'entendre chuchoter...
Dans son coeur,
il entend cette voix si douce
lui dire avec une grande tristesse:
"C'est absurde!"

Il ne peut que lui répondre:
"C'est absurde, je le sais bien!
Mais je n'y peux rien!"

"Tu vis pour faire la guerre,
pour tuer et détruire!
C'est absurde!"

Et l'écho de répondre: "C'est absurde!"

Et l'aigle de crier:"C'est absurde!"

Et encore, dans son coeur, il entend
la petite fleur étoile qui insiste:
"La guerre détruit l'homme et la création!
Elle donne à l'homme
un masque d'aberration
et des armes cruelles!
Toi, soldat au coeur si tendre,
tu m'écraseras pour aller tuer!...
C'est absurde! Pourquoi ce fusil?"

Le soldat, au coeur si tendre,
regarde de l'autre côté,
vers les sombres broussailles,
dépose son fusil,
cueille la fleur et se relève...lentement,
avec toute la tendresse du monde
sur son visage ...

Une détonation fend le silence
Toute la nature en est saisie.
Et l'écho ne sait plus que répéter
ce bruit infernal.
Encore et encore...
Et encore...

Il tombe, le soldat au coeur tendre...
Serrant très fort
la petite fleur sur son coeur...

Une larme, comme une goutte de rosée,
coule au coin de l'oeil de petite Elfe,
blottie entre les pétales
de la petite fleur bleue.

Et l'aigle, continuant de planer,
crie maintenant son désespoir
devant l'absurdité de la guerre.

Quelque part entre chenille et papillon
le temps se dissout...

Le temps


Ce temps si court...

Court comme le battement d'aile du papillon...

Mais parfois si long, long...

Comme l'éternité
que la chenille met
à tisser son douillet cocon,
afin de changer le cours du temps,
se coulant dans les soies d'un papillon.

Rendre à nouveau sa courtitude au temps.

Je voudrais être les deux.
Puis-je être les deux?

Que ne serais-je chenille?!
Que ne serais-je papillon?!

Chenille pour avoir le temps de tout voir!

Pour voir ton regard briller mille ans!
Pour prendre le temps
de compter les flocons de neige
avant qu'ils ne fondent sur mes joues...
Avoir le temps de compter
les étoiles filantes les soirs d'été
avant qu'elles ne glissent entre mes soupirs!

Le temps d'avoir des douzaines d'enfants!
Les regarder devenir grands,forts et tellement beaux!
Voir briller des milliers de regard!
S'épanouir tout autant d'âmes soeurs!
Le temps de nommer l'insolite...
Le temps de le peindre sur ma toile...

Puis...Puis...

Redevenir papillon
afin de fuir mes larmes,
mon coeur en peine devant ta douleur...

Redevenir papillon à tous les instants où
tu auras besoin de mes ailes
pour fuir avec moi,
pour aller au-delà des horizons,
te faire voir des contrées oubliées
des au-delà que tu ne connais pas encore...
Là où on ne peut jamais avoir mal...
Où tout simplement
t'amener au fond de toi-même,
retrouver ton jardin intérieur.

Redevenir papillon,
jouer avec le vent
jusqu'à ce qu'il en perde le souffle!

Me battre contre les tempêtes
et en sortir les ailes indemnes.
Me laisser emporter
par des bourrasques de douceur
m'y laisser envelopper, tourbillonner
glisser sur des nuages irisés.

Me perdre à chercher le bout de l'arc-en-ciel
pour le retrouver à la porte de mon jardin
derrière la maison...

Redevenir papillon,
retrouver mon jardin intérieur à moi.
...Mon Jardin du Milieu.

Pour enfin redenir chenille,
avoir le temps de te faire voir,
avec mes pinceaux,
tout ce que j'aurai vu...
En laissant place à l'indicible.